Les Plumes de la Trézence
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Les Plumes de la Trézence

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 Une oasis

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AuteurMessage
Atthis
Ecrivain en herbe
Atthis


Nombre de messages : 9
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Date d'inscription : 08/11/2006

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MessageSujet: Une oasis   Une oasis Icon_minitimeSam 29 Mar - 0:02

Cette année-là, mes parents avaient décidé que, pour le mois de juillet, nous irions sur l'île d'Oléron, dans le petit village de La Biroire. En arrivant à la propriété que mon père avait louée, je sus que j'allais passer de mauvaises vacances : tout autour se trouvait une forêt de pins, et la première maison était située à plus de cinq-cents mètres. A part cela, l'endroit était désert. Certes, l'accès direct à la plage était direct, mais comme j'étais fille unique et que je ne connaissais personne, aller à la plage seule me paraissait assommant.

Les premiers jours furent un enfer. Mes parents étaient toujours partis dès le matin à papillonner de-ci de-là avec des amis, me laissant seule toute la journée que je passais à la plage. Quand je m'y installais le matin, elle était vide, hormis les quelques coureurs à pied qui profitaient de la fraîcheur matinale. Je pouvais alors nager en toute tranquillité. Mais une fois mon aller-retour jusqu'à la balise accompli, je me retrouvais seule sur ma serviette, les yeux perdus au loin, laissant défiler mes pensées. Vers treize heures, je rentrais à la propriété pour manger. Mes parents n'étaient pas là et souvent, je trouvais un mot qui m'annonçait leur retour tard dans la nuit. Les après-midis étaient encore pires que les matinées. Quand, après le déjeuner, je retournais à la plage, elle n'était plus l'espace tranquille du matin. Des familles, des groupes d'amis s'étaient installés, ne laissant que peu de places inoccupées. Des enfants criaient, couraient, s'amusaient entre eux avec une balle ou dans l'eau. Des groupes de garçons passaient et se pavanaient, essayant de séduire des filles qui, elles, ne pensaient qu'à bronzer. Et moi, au milieu de tout ça, j'étais encore plus seule. De nature timide, je n'osais aller voir les autres filles de mon âge pour engager la conversation. De toute manière, cela ne m'intéressait pas. Elles ne m'intéressaient pas. Je n'étais pas le genre de fille à passer mon temps à dorer sur le sable, à me mettre de la crème solaire toutes les cinq minutes et à glousser bêtement quand un garçon passait à côté de moi. Oh ! J'avais bien été comme ça, mais j'avais l'impression d'avoir grandi, d'être passée au-dessus de certaines choses. A côté peut-être. Certes, j'aime sentir le soleil sur ma peau, mais ce n'est pas l'unique occupation possible sur une plage. Ce que j'aime par dessus tout, c'est lire. Et nager aussi. Mais nager, alors que la grève est noire de monde, avec tous ces gosses qui chahutent autour de moi, ce n'est pas agréable. Alors je lisais, pour oublier le monde autour, pour oublier la solitude, pour oublier l'ennui. Je lisais pour le plaisir. Les heures défilaient ainsi un peu plus vite. De temps à autre, je laissais vagabonder mon esprit. Quand le soleil déclinait et que j'étais seule sur la plage, je retournais à la maison. Là, je prenais une douche, la deuxième de la journée, puis je mangeais avant de passer mes soirées dans ma chambre à écouter de la musique. Quand je finissais par m'endormir, mes parents n'étaient toujours pas rentrés.

Encore un matin comme les autres. Mes parents étaient déjà partis, cela faisait une semaine que nous étions là. Comme tous les matins, je me rendis à la plage. Comme tous les matins, il n'y avait personne. J'installai ma serviette sur le sable et partis nager. Mon aller-retour habituel. Pendant ce moment-là, je ne pensais à rien d'autre qu'au plaisir de nager, de sentir l'eau glisser sur mon corps. Mon esprit restait concentré sur le rythme de ma respiration. Mais alors que j'entamais le retour, je vis que quelqu'un s'était installé à côté de ma serviette et regardait dans ma direction. De là où je me trouvais, je ne pouvais voir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme.

Elle s'appelait Nadya. En remontant vers ma serviette, j'avais pu voir qu'elle avait à peu près mon âge et qu'elle était en survêtement. Elle avait la peau mate, de longs cheveux noirs et des yeux verts. Je m'étais assise à côté d'elle et elle avait engagé la conversation. J'avais alors appris qu'elle avait 16 ans, soit un an de plus de moi. Elle venait souvent à la plage après son jogging : elle aimait courir seule le matin quand la nature dormait encore. Contrairement à moi, oléronaise, elle faisait partie d'une famille nombreuse et elle venait là pour échapper aux cris, aux pleurs, au chahut. Elle m'avait vue nager seule les autres matins et, intriguée, voulait savoir qui j'étais. Je lui avais alors raconté le maigre contenu de mes journées depuis mon arrivée. Elle n'avait pu rester plus longtemps et m'avait donné rendez-vous l'après-midi-même.

En arrivant sur la plage après le déjeuner, je la cherchai des yeux. Quand je la vis, la boule qui s'était formée dans mon ventre se dénoua. J'avais eu peur. De quoi ? Qu'elle ne vienne pas ? Pourtant elle avait eu l'air sincère, et puis, au pire, cela n'aurait pas été la première fois que cela m'arrivait. Mais il y avait autre chose... Chassant de mon esprit ces pensées, je me dirigeai vers elle. Elle m'accueillit avec un grand sourire. Elle portait un maillot de bain vert qui s'accordait parfaitement avec ses yeux et ressortait sur sa peau mate. Il la rendait encore plus belle. Je me posai à côté d'elle et tout l'après-midi, nous parlâmes. Elle me raconta son désir d'aller au Maroc où vivaient encore ses grands-parents pour découvrir le désert, les oasis, retrouver ses racines. Je lui racontai ma peine de ne pas avoir eu de soeur, quelqu'un à qui confier mes détresses. À la fin de l'après-midi, elle savait tout de moi et je savais tout d'elle. Nous nous séparâmes, nous donnant rendez-vous le lendemain. Quand je rentrai chez moi, la maison était vide, comme d'habitude. Mais ce n'était pas grave : je n'étais plus seule.

Le lendemain, je me rendis à la plage. Nadya n'était pas là. La boule se forma à nouveau au creux de mon ventre. Je ne comprenais pas. Pourquoi avais-je si peur qu'elle ne vienne pas ? Je décidai de nager. Cela me faisait du bien et me permettait d'évacuer la tension accumulée, de laisser filer mes émotions. Je me sentis plus détendue, sortis de l'eau et allai à ma serviette. Nadya était arrivée. Toujours en survêtement. Je lui souris et l'invitai à venir déjeuner chez moi. Elle accepta.

Les jours passèrent. Nous nous retrouvions tous les matins, puis Nadya venait manger chez moi. L'après-midi, nous nous rendions à la plage, ou bien nous restions dans la maison. Et puis, un jour, elle me proposa d'aller faire une promenade en forêt, pour changer nos habitudes. Nous marchâmes quelques heures puis nous nous arrêtâmes près d'un cours d'eau pour nous reposer et profiter du calme de la nature. Nadya me dit que petite, elle était souvent venue là avec son père et qu'ensemble, ils s'amusaient à attraper des poissons. Soudain, elle s'arrêta au beau milieu d'une phrase. Elle tourna la tête vers moi. Elle avait un drôle de regard, de ceux qui me gênaient, qui me brûlait. Elle s'approcha un peu plus près de moi. Instinctivement, je reculai. Une imperceptible vague de tristesse passa dans ses yeux. Elle recommença alors à parler comme si rien ne s'était passé. Je ne comprenais pas. De quoi avais-je eu peur ? Au fond, je le savais. J'avais peur de comprendre.

Le lendemain, je me réveillai en sursaut et pensai à la veille. Il fallait que je nage. Je me rendis à la plage, posai ma serviette et allai retrouver mon élément.

Je sortis de l'eau. Le vent me fit frissonner. Nadya n'était pas là. La déception et la tristesse m'étreignirent. J'allai m'étendre sur ma serviette. Les gouttes d'eau salées gardées de ma baignade séchèrent vite, laissant sur ma peau de fins cristaux de sel. J'aime les traces blanches qu'ils dessinent sur mon corps.

En arrivant à la maison, je l'aperçus assise sur le perron. Une joie immense m'envahit : elle était venue. Elle revenait de son jogging matinal. Ses cheveux étaient attachés, sa poitrine se soulevait régulièrement au rythme de sa respiration. Même en tenue de sport, elle restait belle. Elle m'entendit arriver et tourna la tête vers moi, me fixant avec ce drôle de regard qu'elle avait eu la veille. Une envie furtive passa dans ses yeux... Comme d'habitude, mes parents n'étaient pas là. Je l'invitai à entrer.

Je fermai la porte de la salle de bain, sans mettre le verrou. Nadya était restée en bas. Elle avait tellement l'habitude de venir qu'elle se sentait un peu comme chez elle. Elle avait aussi l'habitude que j'aille me laver après la baignade du matin. C'était comme un rituel pour moi. J'aimais sentir ma peau douce après être sortie de la douche. J'enlevai la robe que j'avais enfilée par dessus mon maillot de bain. Puis je retirai mon haut. Derrière moi, la porte se referma... Se referma ?!? Je me retournai. Nadya était là, tranquille, me contemplant des pieds à la tête. Je me sentis gênée, confuse. Son regard me brûlait. Je rougis. Nadya s'avança doucement. Je ne bougeais pas. Je ne voulais pas. Je savais ce qui allait arriver. Elle posa délicatement sa main sur mes hanches, approcha sa tête de la mienne et m'embrassa. Une certitude s'imposa alors en moi, certitude que je n'avais pas voulu voir ni accepter : j'étais attirée par une fille. Je l'avais toujours su mais l'avais enfoui au fond de moi par peur, par manque de courage. Je répondis à son baiser. Elle recula, me regarda de ses yeux brûlants. Je lui souris. Je me sentais bien, enfin en accord avec moi-même. Elle revint vers moi et déposa de tendres baisers dans mon cou, sur mes épaules, sur mon corps. Je tressaillis. J'étais parcourue de frissons mais je n'avais pas froid. Au contraire une soudaine chaleur s'était emparée de moi. Je l'embrassai à mon tour, suivant la courbe de son cou, de ses épaules. Sa peau était salée. Mes lèvres retrouvèrent les siennes. Elles portaient mon goût. Le goût du sel.
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